Prière
J’ai gémi, j’ai pleuré, regardant le ciel bleu
Et priant la Madone.
J’ai cheminé longtemps sur le sentier de Dieu,
Hélas ! tout m’abandonne.
Je sonde vainement les ondes de l’éther
Interrogeant la flamme
De l’étoile au feu d’or et la nue et l’éclair
À la stridente gamme ;
Rien ! Mon cœur bat trop vite et trop vite le sang
Circule dans mes veines.
Seigneur, tourne, vers moi, ton regard tout-puissant
Et je verrai mes peines
Se dissiper soudain et, comme un ciel, noirci
Par un sombre nuage,
Que l’effort du soleil a bientôt éclairci
Chassant au loin l’orage,
Ton bienfaisant regard dissipe tous les maux ;
C’est lui le divin baume
Fortifiant les cœurs, florissant les coteaux.
Ô nard, ô cinnamome
Des rameaux épineux, perlant avec ton sang
Sous la couronne ardente
Que le bourreau posa sur ton front pâlissant !
Ô manne fécondante,
Aux guérets appauvris faisant surgir la foi
De la terre épurée,
Pénétrant dans les cœurs pour apaiser l’émoi
De notre âme apeurée !
Veuille épandre, sur moi, ce baume merveilleux :
J’irai sur la venelle
Où tu laissas, Seigneur, dans le parcours des cieux,
Ton empreinte éternelle ;
Et, fort de ton secours, je porterai la croix
Pour aller au supplice,
Et marcherai léger, tout courbé sous son poids
Sans que mon front se plisse.
Pardon, mon Dieu ! je vois que déjà mon orgueil
De sa force se vante,
Et mon humilité descendra, tout en deuil,
Cette funeste pente.
Seigneur, je veux rester toujours obéissant
À ta sainte justice,
Être prêt, pour ta gloire, à verser tout mon sang
Dans le dernier supplice !
Auguste BERTOUT.
Paru dans L’Année des poètes en 1895.