Méditation à travers champs
Toutes ces voix qui chantent ou qui gémissent sur la terre ; toutes ces parures qui se faneront ; tous ces feux de l’espace qui s’éteindront un jour, sont autant de voix qui parlent à l’homme pour l’instruire et l’élever à son auteur.
Voyez l’herbe de la prairie verte et émaillée maintenant, elle sera bientôt flétrie ; elle nous rappelle la brièveté de nos jours : toute chair est comme l’herbe, a dit le prophète ; l’herbe est séchée et la fleur est tombée.
Chaque feuille qui se détache de l’arbre n’est-elle pas un avertissement pour nous, et ne dirait-on pas, dans le bruit du vent qui la roule, qu’il y a comme un glas funèbre annonçant le tombeau ?
Travailleur, membre souffrant de la grande famille, les épines que tu arraches des sillons que tu fécondes ne sont-elles pas des images des peines et des chagrins de l’existence ?
Mais si des cris de tristesse, si des figures sombres nous entretiennent dans la nature, n’en est-il pas d’autres remplis de sourires qui nous symbolisent l’espérance et nous consolent de nos maux ? Regardez le lis, orgueil de nos jardins ; il ne file pas, il ne travaille pas, et pourtant sa robe veloutée est plus brillante que le vêtement de Salomon dans toute sa gloire. Et les oiseaux du ciel, ils ne sèment point, ils ne moissonnent point, et pourtant ils trouvent chaque jour leur pâture. Homme, travaille et espère ; le reste te sera donné en surcroît.
Le retour de la belle saison après les frimas de glace ; les pluies rafraîchissantes après les ardeurs de l’été ; la fraîcheur des nuits après les feux du jour ; la brise embaumée après l’ouragan qui secoue et renverse ; toutes ces harmonies nous annoncent que la vie est pleine de vicissitudes, mais qu’elle a aussi des joies et des douceurs, puis, qu’un monde meilleur est le terme de notre destinée et que la vertu nous y assure une félicité inaltérable.
BEUF.
Paru dans La France littéraire,
artistique, scientifique
en décembre 1856.