Litanies de Notre-Dame du soir
I
Hors des saisons et de la vie,
Par le deuil des sentiers ardus,
J’ai retrouvé l’hôtellerie
Où la bonne hôtesse, Marie,
Accueille ses enfants perdus.
La maison m’était familière
Que révélait dans le lointain,
Échancrant ses tuiles faîtières,
Un mince cordon de lumière
Qu’elle a retenu du matin,
Et dont la clochette voilée,
Trois fois par jour et par trois fois,
Redit aux âmes exilées
Le cours des heures en allées
Qui se réveillent à sa voix.
Maintenant que mon pas chancelle,
J’ai senti sur mon dos ployé
Se creuser l’ombre maternelle
Et descendre la main de Celle
Qui m’a rouvert le vieux foyer.
J’y suis venu dans ma détresse
Comme un enfant qui, simplement,
Veut, entre deux bras qui le pressent,
Retrouver d’anciennes caresses
Qui lui rappellent sa maman !
II
C’était un long et dur voyage
Dont se termine, ici, le cours,
Par les fièvres et les orages,
À la poursuite du mirage
Qui s’évanouissait toujours.
J’avais établi sur le sable
La demeure de mes amours,
Et les fruits les plus délectables
Se sont desséchés sur la table
Que j’ai désertée à mon tour.
Mais dans la vieille hôtellerie
Que tu rouvres, le soir, pour nous
Qui te revenons par la vie,
J’ai retrouvé, Vierge Marie,
La trace de mes deux genoux.
Sur l’usure des grandes dalles
Où Tu me vois agenouillé,
Comme au sortir d’une rafale,
Voici, pétale par pétale,
Que tout mon cœur s’est effeuillé.
Qu’importe que la lampe baisse
À l’heure où je viens t’y revoir
Si, maternelle, Tu me laisses,
Notre-Dame de ma jeunesse
Chanter Notre-Dame du Soir !
Louis BEYAERT-CARLIER.
Recueilli dans Rosa mystica :
Les poètes de la Vierge,
du XVe au XXe siècle, s. d.