Aimez-vous !
À DEUX JEUNES ÉPOUX
Puisqu’au pied des autels, puisque la main du prêtre
Au nom du Dieu vivant vous a sacrés époux,
Aimez-vous à plein cœur, c’est la loi du grand maître ;
Aimez-vous.
Aimez-vous comme Adam dut aimer la jeune Ève ;
Et comme aima Jacob, l’infatigable époux,
Qui lutta quatorze ans pour Rachel, son seul rêve ;
Aimez-vous.
Le patriarche antique et sa femme féconde
Après cent ans d’amour étaient encor jaloux :
Comme eux, comme on aimait aux premiers temps du monde
Aimez-vous.
Leur amour était saint, c’était une prière ;
Ils s’aimaient devant Dieu, qui les bénissait tous :
Vous aussi devant Dieu, comme on n’aime plus guère,
Aimez-vous.
Aimez-vous, car l’amour est un présent céleste.
Quand le ciel fut perdu, Dieu prit pitié de nous ;
Il nous laissa l’amour, le seul bien qui nous reste :
Aimez-vous.
Aimez-vous, puisque tout, amis, parents, vous aime...
Vous vous aimez déjà comme de vieux époux,
Et j’ai tort plus longtemps de répéter moi-même :
Aimez-vous !
P. L. E. BÉZIERS,
Fleurs des champs, des bois
et des grèves, 1875.