L’églantine et la fauvette
À UNE JEUNE MÈRE DE TROIS ENFANTS
Sœur, disait la fauvette à la blanche églantine,
Quand ton sein
S’ouvre ainsi jeune et frais sur le buisson d’épine,
Au matin,
Et qu’autour trois boutons montrent leur tête blanche,
Sœur, dis-moi,
Est-il fleur dans nos bois, sous l’herbe ou sur la branche,
Comme toi ?
On croit avec ses sœurs voir une blanche étoile
Du bon Dieu,
Et ton buisson ressemble à quelque coin sans voile
Du ciel bleu.
Parmi les fleurs, la fleur qui se dit la plus belle
De nos bois,
Avec tes trois boutons, ma sœur, tu l’es comme elle
Quatre fois.
Aussi le zéphir t’aime entre les plus aimées.
Quelle fleur
Lui livrerait autant de lèvres parfumées
Que toi, sœur ?
Vienne à présent l’hiver : lui, qui dit à la rose
De mourir,
Verra dans ses boutons ta fleur toujours éclose
Refleurir.
Heureux est le zéphir que ton parfum enivre,
Ou l’oiseau,
L’oiseau qui peut bâtir à tes pieds pour y vivre
Son berceau !
Qu’il est doux seulement, ô fleur, de te connaître,
Et pour moi
D’avoir, pauvre fauvette, à chanter un doux être
Comme toi !
P. L. E. BÉZIERS,
Fleurs des champs, des bois
et des grèves, 1875.