Au saint lieu
Temple du Dieu vivant, maison de la prière,
Toi qui portes au front la croix d’or ou de pierre,
Comme on voit un drapeau sur la maison des rois ;
Palais bâti par l’homme au grand roi qu’il adore ;
Autels sanglants où vient le Christ à chaque aurore
Chercher un Golgotha pour y planter sa croix ;
Murs sacrés qui du ciel êtes la douce image,
Salut ! – Le matelot qui revoit le rivage
Et son vieux toit fumant là-bas à l’horizon
A moins de joie au cœur que moi qui te contemple,
Vieux clocher, qui m’attends à la porte du temple,
Comme un hôte debout au seuil de sa maison. –
Voici le jour qui fuit et la nuit qui s’avance.
Déjà la cloche tinte, et la terre en silence
Écoute et se souvient qu’il faut penser à Dieu.
Prions : la fleur du soir, la prière est éclose.
Ouvrez au voyageur, ouvrez, pour qu’il repose,
Votre sein maternel, ô patrie, ô saint lieu !
Comme l’oiseau lassé, le cygne ou l’hirondelle,
Qui trouve sur sa route en traversant les mers
Un vaisseau pour s’abattre et reposer son aile ;
Comme l’Arabe errant que l’oasis fidèle,
L’oasis verte accueille avec ses palmiers verts ;
Comme le vieux pêcheur qui fuit dans la tempête
Au rivage où l’attend son toit calme et joyeux ;
Le soir, qu’il est heureux, quand son pied las s’arrête,
Ô temple, de t’avoir pour reposer sa tête,
Le voyageur qui passe et s’achemine aux cieux !
Le cœur de l’exilé toujours à la patrie
S’en va, comme au rivage on voit le flot courir.
C’est sa plus belle amante et c’est la plus chérie.
Ailleurs il dépérit comme une fleur flétrie,
Et ne mourrait pas bien s’il n’y pouvait mourir.
Silence ! Tout est calme et le temple sommeille,
Comme une étoile aux cieux, la lampe seule veille
Aux voûtes du saint lieu.
Personne ! Mais la nuit, la paix, l’air qu’on respire,
L’effroi du cœur, tout parle et tout bas vient nous dire
Qu’on est voisin de Dieu.....
P. L. E. BÉZIERS,
Fleurs des champs, des bois
et des grèves, 1875.