Le ramoneur

 

 

Quand ma mère mourut, j’étais très jeune ;

Mon père me vendit lorsque ma langue

Pouvait à peine crier : – hi ! hi ! hi ! hi !...

Donc je ramone vos cheminées et je dors dans la suie.

 

Il y a le petit Tom Dacre qui pleura lorsque sa tête,

Frisée comme le dos d’un agneau, fut tondue ; alors je lui dis :

– Chut ! Tom, ne pleure pas ; puisque ta tête est rase,

Tu sais que la suie ne peut salir tes cheveux blonds. –

 

Donc il se tut, et cette nuit-là,

Tandis que Tom dormait, il eut une vision merveilleuse :

Que des milliers de ramoneurs, Dick, Joe, Ned et Jack,

Étaient tous enfermés dans des cercueils tout noirs.

 

Survint un ange avec une brillante clef,

Et il ouvrit les cercueils et délivra tous les ramoneurs.

Dans une plaine verte ils sautent, rient et courent,

Se baignent à la rivière, resplendissent au soleil.

 

Puis nus et blancs, ayant laissé leur sac,

Ils montent sur les nuages et planent dans le veut.

Et l’ange dit à Tom que, s’il était gentil,

Il aurait Dieu pour père et bonheur à foison.

 

Ainsi Tom s’éveilla ; nous nous levâmes dans les ténèbres

Et partîmes au travail avec nos sacs et nos balais.

Le matin était froid, mais Tom était heureux et avait chaud.

Quand tout le monde fait son devoir, on n’a pas à craindre de mal.

 

 

 

William BLAKE.

 

Recueilli dans Les romantiques anglais,

traduction de Pierre Messiaen,

Desclée De Brouwer, 1955.

 

 

 

 

 

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