Le pin
Sous le linceul de l’hiver
Le Velay déjà frissonne.
Là-bas la feuille se perd.
Seul, le vieux roi du désert,
Le pin garde sa couronne.
Souffle et gronde l’ouragan !
Sur des montagnes de neige,
Il est là, fier et narguant
La tempête qui l’assiège.
Quand le vent moissonne tout,
Quand tout penche, il est debout.
Sa forte racine a pris
Les basaltes pour nourrices.
Il tient ce siècle en mépris.
C’est l’amant des grands débris,
Des donjons, des précipices.
De nos pères les Gaulois
Il abrita le courage.
Il chante encor leurs exploits
En luttant contre l’orage.
C’est le barde des aïeux :
Droit, indompté, digne d’eux.
Bon comme un cœur montagnard,
Il grandit dans la souffrance.
La hache en fera plus tard
Ou le grabat du vieillard,
Ou le berceau de l’enfance.
Sa pointe est taillée en croix.
C’est l’arbre de la prière.
On a creusé dans son bois
Cet autre berceau, la bière ;
Et dans ses rameaux bénis
Le bon Dieu cache les nids.
On tremble, on plie à tout vent.
Le doute glace la terre.
Dans notre Velay fervent
Enracinons plus avant
L’amour, la croyance austère.
Sur la neige, restons verts.
Gardons la foi des ancêtres.
Quand s’ébranle l’univers,
Servons Dieu, restons nos maîtres.
Quel bras pourrait arracher
Le pin frère du rocher ?
BLANCHOT DE BRENAS.
Paru dans La France littéraire, artistique, scientifique en 1860.