Dans la brande

 

 

Dans la brande déserte, au vert carroir de mousse,

La croix tendait au ciel ses deux bras incompris.

Ce n’est plus que tronçons de pierre où l’herbe pousse :

L’homme allait les fouler : il s’arrête, surpris !

 

Il ressent à leur vue une étrange secousse :

L’adorateur s’éveille... Il pleure ses mépris.

Que nulle main n’attente à ce croulant débris

Qui garde à nos douleurs sa compassion douce !

 

Dans les champs d’ici-bas qu’il a fertilisés

Ainsi, pâle vieillard, sur nos chemins se dresse

L’apôtre qui nous a naguère électrisés.

 

Son doux front retrouvé, son seul regard nous presse,

Nous tombons à genoux... C’est Dieu, c’est sa tendresse

Qui sourit dans la croix et le vieillard brisés !

 

 

 

Paul BLANCHEMAIN.

 

Paru dans L’Année poétique en 1906.

 

 

 

 

 

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