Lève-toi, Denis
BENOÎT
Lève-toi donc, Denis
Mon ami,
Et lève-toi donc vite.
Prends ta culotte et ton habit
Avec ton tablier.
Lève-toi donc, Denis
Mon ami,
Et lève-toi donc vite.
DENIS
Vous êtes bien en train
Du matin,
Que voulez-vous donc faire ?
Nous aurons bien le temps demain
Pour travailler ensemble.
Vous êtes bien en train
Du matin,
Que voulez-vous donc faire ?
BENOÎT
C’est pour te faire voir
Une chose
Que tu ne peux comprendre.
Quand tu y’auras vu une fois 1,
T’y sauras comme moi.
C’est pour te faire voir
Une chose
Que tu ne peux comprendre.
DENIS
Père, c’est-i le soleil
Qu’est chez nous
Qui fait tant de lumière ?
Je ne croyais pas qu’il fût jour
Tant j’ai sommeil encore.
Père, c’est-i le soleil
Qu’est chez nous
Qui fait tant de lumière ?
BENOÎT
Tu le verras bientôt
Et plus tôt
Si t’as un peu d’esprit.
C’est le bon Dieu qui vient vers nous
Pour nous sauver tertous.
Tu le verras bientôt
Et plus tôt
Si t’as un peu d’esprit.
DENIS
Mon Dieu ! qu’est-ce que tout ça
Que j’entends ?
N’est-ce pas un miracle !
Il y a là-haut tant d’enfants
Qui chantent dans le ciel !
Mon Dieu ! qu’est-ce que tout ça
Que j’entends ?
N’est-ce pas un miracle !
BENOÎT
C’en est un, Denis, un grand,
Oui vraiment,
Bien plus grand que les autres.
Un Dieu pour nous se faire enfant,
Que veux-tu de plus grand ?
C’en est un, Denis, un grand,
Oui vraiment,
Bien plus grand que les autres.
DENIS
Il m’y faut donc aller
Tout de suite
Pour voir cett’ grande fête.
De quel côté faut-il passer
Pour ne pas m’égarer ?
Il m’y faut donc aller
Tout de suite
Pour voir cett’ grande fête.
BENOÎT
N’y va pas sans présent,
Mon enfant,
Puisque c’est notre maître.
Mène avec toi ton frère Jean,
Qu’en portera autant 2.
N’y va pas sans présent,
Mon enfant,
Puisque c’est notre maître.
DENIS
Comment s’appelle-t-il ?
Dites-moi !
Où est-ce qu’il demeure ?
Si c’n’est plus Monsieur Laborier
Et que vous l’ayez changé...
Comment s’appelle-t-il ?
Dites-moi !
Où est-ce qu’il demeure ?
BENOÎT
Hélas ! qu’y a pitié
Pour celui
Qui n’apprend pas à lire !
T’ai-je pas dit que le bon Dieu
Demeure en tous pays ?
Hélas ! qu’y a pitié
Pour celui
Qui n’apprend pas à lire !
DENIS
Je voulus bien, dans le temps,
Bravement
M’en aller à l’école
Mais il fallut aller aux champs,
Vous savez bien comment.
Je voulus bien, dans le temps,
Bravement
M’en aller à l’école.
BENOÎT
Écoute-donc, Denis,
C’est assez dit,
Je te le vais tout apprendre.
Et puis quand tu l’auras appris,
Tu le diras à Louis.
Écoute-donc, Denis,
C’est assez dit,
Je te le vais tout apprendre.
Nous sommes tertous nés
Bien maudits
D’Adam, le premier homme.
Pour l’amour qu’il avait mangé
Ce qu’on lui défendit.
Nous sommes tertous nés
Bien maudits
D’Adam, le premier homme.
Mais celui qui nous fit
Comme lui
Nous promit un Messie
Qui serait vraiment son fils.
Les prophètes l’ont dit.
Mais celui qui nous fit
Comme lui
Nous promit un Messie.
Depuis tout ce temps
Les enfants
De ce mangeur de pommes
En pleurant et se lamentant
N’étaient jamais contents.
Depuis tout ce temps
Les enfants
De ce mangeur de pommes.
C’est pour ça qu’aujourd’hui
De Jésus
Nous avons la fanfare.
Les anges que t’as entendu
Ont dit qu’il est venu.
C’est pour ça qu’aujourd’hui
De Jésus
Nous avons la fanfare.
Mais ne sois pas, Denis,
Ébaubi
Si tu le vois bien pauvre.
S’il vient nous apprendre à pâtir
Il souffre le premier.
Mais ne sois pas, Denis,
Ébaubi
Si tu le vois bien pauvre.
Tu verras en ce lieu
Un gros bœuf
Et avec lui un âne.
Pour le chauffer, faute de feu,
Ils soufflent tous les deux.
Tu verras en ce lieu
Un gros bœuf
Et avec lui un âne.
Denis, quand t’y seras,
T’y feras
Une grande révérence.
Tu tiendras à bas ton chapeau
En r’gardant son berceau.
Denis, quand t’y seras,
T’y feras
Une grande révérence.
Tu diras à Joseph,
S’il te plaît,
Comme à sa brave femme,
Que je n’ai pas pu t’y mener
Tant j’ai mal aux jarrets.
Tu diras à Joseph,
S’il te plaît,
Comme à sa brave femme.
DENIS
Père, à Dieu j’vous recommande,
C’est bien temps.
D’y aller, je m’empresse.
Prenez patience en m’attendant
J’y vais toujours courant.
Père à Dieu, j’vous recommande,
C’est bien temps.
D’y aller, je m’empresse.
Parrain BLIAISE,
Le Noël mâconnais,
vers 1728.
Recueilli dans La grande et belle bible
des Noëls anciens, XVIIe et XVIIIe siècles,
par Henry Poulaille, Éditions Albin Michel, 1950.