L’éternelle harmonie

 

 

Si de celui qui tonne sur nos têtes

tu veux savoir sans mélange la loi,

lève les yeux vers la voûte du ciel :

fidèles à la juste ordonnance des choses,

vois les astres garder leur antique harmonie,

vois le soleil, en dépit de sa flamme,

laisser place à Phébé sur son axe glacé,

vois l’Ourse errante autour du pôle

qui passe et qui repasse

sans jamais se baigner dans l’occident profond

et sans noyer ses feux aux flots de l’océan

où vont sous ses regards tous les astres plonger ;

vois Vesper chaque soir annoncer les ténèbres,

vois le jour bienfaisant

que ramène avec soi l’étoile du matin.

Un amour mutuel dans les cieux renouvelle

les courses éternelles ;

de la voûte étoilée la guerre est exilée ;

conciliant sous d’équitables lois

les éléments rebelles,

l’harmonie met le sec où se trouvait l’humide,

allie la flamme et la froidure,

fait que le feu léger s’élève vers la nue

et que la terre gît sur ses lourdes assises.

C’est par le même accord qu’au tiède renouveau

l’année fleurie exhale ses parfums,

que le brûlant été sèche et mûrit les blés,

que l’automne revient sous sa charge de fruits,

que l’hiver est noyé sous le torrent des pluies.

Cet accord fait la force et la prospérité

de tout ce qui respire en ce monde la vie

et c’est lui qui saisit et qui met au tombeau,

qui plonge dans la mort suprême toutes choses

cependant que là-haut siège le Créateur

et qu’il tient dans ses mains la gouverne du monde,

lui le maître et le roi, la source et le principe,

la loi, le sage arbitre et la même justice.

Ce qu’il a mis en mouvement,

il le révoque à soi, l’arrête ou le corrige,

car, s’il laissait aller les choses devant elles,

s’il ne les contraignait à rentrer dans le cycle,

ce qu’aujourd’hui maintient une stable harmonie,

tu le verrais languir loin de son origine.

Il est l’amour commun qu’éprouvent tous les êtres,

ils se veulent compris aux bornes de son bien

car comment pourraient-ils autrement subsister

si l’amour n’était là qui guide leur reflux

vers la Source de vie ?

 

 

 

BOÈCE.

 

Traduit du latin par René Gouast.

 

Recueilli dans Dieu et ses poètes, par Pierre Haïat,

Desclée de Brouwer, 1987.

 

 

 

 

 

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