La vocation

 

 

Dans son jardin fermé, l’humble Nina prie et chante, tandis qu’elle se fait un bouquet de chaque plante et cueille sur chaque jeune pousse la plus belle fleur. Nicéphore la regarde de loin, avec une joie sans mesure, et, tout émerveillé, lui crie dans son cœur : « Comme tu es jolie, ô Nina, mon amour ! »

 

« Cueille, oui, choisis selon ton caprice, les plus belles de toutes ; mêle en ton bouquet les blanches, les rouges ; il n’en fleurit aucune au jardin de jolie comme toi. Regarde comme elles sont confuses de te voir de si près ; chez toutes, les couleurs les plus vives pâlissent, chez le lys la blancheur, chez la rose le carmin ! »

 

Pour Nina, fleurit le printemps de ses quinze années ; son beau corps a le doux balancement du palmier ; ses joues sont des œillets épanouis sur la neige ; ses yeux sont deux saphirs volés au ciel plein d’étoiles ; l’éclat de son regard est de l’ange le plus pur ; la musique de sa voix, un doux écho du ciel.

 

 Avec un palais si beau, que sera donc la reine ! En un corps admirable Nina possède une âme divine, baignée de céleste splendeur comme du cristal. Le Dieu qui l’a créée, et qui la voit, si pure, réfléchir en sa lumière son éternelle beauté, se plaît à se regarder en un si fidèle miroir.

 

Son souffle est un parfum suave d’âme innocente ; d’un œil que l’amour rend jaloux et d’une main vaillante, Nicéphore a su en protéger la fleur, entourant la jeune fille d’autres fleurs de vertu comme elle, éloignant de ses yeux et de ses oreilles tout ce qui peut souiller la pureté du cœur.

 

Tandis qu’au dehors elle la cultive avec tant de zèle, le Seigneur au dedans l’arrose d’eau vive, et le lys va croissant, chaque jour plus blanc à vue d’œil. Lyre spirituelle, Nina ne vibre que pour Dieu ; son cœur d’humble Vierge est comme un livre clos et mystique, couvert de caractères divins sur chaque feuillet.

 

Pour voler au ciel, elle n’a pas encore d’ailes ; elle suivra donc en larmes le chemin du Calvaire, où toute pierre hélas ! a bu la sueur et le sang d’un Dieu, – demandant à l’air le souffle de Jésus pour embaumer son cœur, et à la pierre sacrée la marque sanglante que son pied y laissa...

 

 

Jacques BOHER.

 

Traduit du catalan par Jean Amade.

 

Recueilli dans Anthologie catalane (1re série : Les poètes roussillonnais),

avec Introduction, Bibliographie, Traduction française et Notes

par Jean Amade, agrégé de l’Université, professeur au Lycée

de Montpellier, 1908.

 

 

 

 

 

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