Neige de Noël
À mes séminaristes
La neige est de la gaze blanche,
Les anges l’ont tissée au ciel,
Pour couvrir l’asphalte et la branche,
Enfants, c’est demain la Noël !
Il faut que sur la route nue,
Sur les parcs et les trottoirs lourds,
Elle marque sa bienvenue
Par un décor de blanc velours.
Tant de fraîche blancheur rappelle
Les hivers si beaux d’autrefois :
Le passé, bon vieux, m’interpelle
De sa si chevrotante voix.
Il me trouve encor sans défense,
Devant tant de neiges d’antan...
Quand je revois vos jours d’enfance,
Aux minuits de mon vieux cadran.
Lorsque tous les soirs pour vous plaire
Je vous racontais de Jésus,
La venue humble et solitaire,
Dans une grotte aux murs moussus,
Et pour qu’à tout jamais se grave
En vous, le mystère et le lieu,
Je vous laissais dessiner, grave,
De vos crayons corail ou bleu,
Une silhouette de l’âne
Dans l’étable où son front cornu
Semblait pointer un bœuf si crâne
Qu’il en paraissait saugrenu.
Ainsi, lorsque tombe la neige,
Papillonnent, légers essaims,
En nos trois cœurs, le blanc cortège,
De souvenirs déjà... lointains !
Ottawa, Noël 1917.
Eulalie BOISSONNAULT, L’huis du passé, 1924.