À mon ami François Vossaert
Après la lecture des œuvres de Louis Decottignies, qu’il m’avait prêtées.
Ami, je le vois bien, le Poète sur terre
Est envoyé par Dieu, pour aimer et souffrir ;
Mais qu’importe, après tout, quelques jours de misère,
S’il doit trouver aux cieux la palme du martyr.
Qu’importe ses tourments ; au sommet du calvaire,
Outragé par les cris d’un peuple furieux,
Brisé par la douleur, notre Dieu, notre frère,
Est mort en pardonnant aux bourreaux odieux.
Comme toi, de Louis, j’ai lu le beau volume ;
Ces pages, où son cœur se montre à découvert ;
Où le poète dit, perçant l’épaisse brume,
Ce que son œil voyait dans le ciel entr’ouvert.
Il y voyait planer la liberté chérie,
La liberté, ce bien qu’un Dieu nous a promis,
Ce bien qu’à deux genoux le prisonnier qui prie,
Demande avec des pleurs, des soupirs et des cris.
Il y voyait l’amour, cette éternelle flamme
Qui brille dans la nuit comme un rayon d’espoir.
La touchante amitié, puissant baume de l’âme,
La charité, qui vient près du pauvre s’asseoir.
Mais, lorsque du ciel bleu, son regard sur la terre
Se reportait tremblant, Poète, il gémissait ;
Car amour, charité, Liberté sainte et chère,
Amitié, tout, hélas ! soudain, disparaissait.
Alors, triste et pensif, fuyant la foule immonde,
Qui, de loin, le suivait de ses rires moqueurs,
Seul, il allait rêver, comparant ce bas monde
Aux sublimes beautés des célestes hauteurs.
Et les deux bras tendus vers la voûte éternelle,
Quand donc ? s’écria-t-il ! quand serais-je là-haut ?
La mort, qui l’écoutait, le couvrit de son aile,
Et jeune, il descendit dans la nuit du tombeau !
Sans larmes, sans regrets, il a quitté nos fanges,
Où de tant de douleurs, homme, il fut abreuvé ;
Il est allé vers Dieu, chercher parmi ses anges
Le bonheur, qu’ici-bas, il n’avait point trouvé.
Et Roubaix, son pays, oh ! qui voudrait le croire ?
Roubaix, cette cité brillante d’avenir,
Dans un oubli profond a laissé sa mémoire,
Un seul homme a gardé son pieux souvenir.
Et cet homme, c’est toi, Vossaert, dont la belle âme
Aux mânes du poète a consacré son vers ;
Son vers harmonieux, qu’un saint délire enflamme,
Son vers magique, écho des célestes concerts.
Ton étoile se lève, ami, poursuis ta route,
À nos cœurs en émoi, fais entendre tes chants.
Montre la vérité, chasse l’ombre du doute,
Encourage les bons, convertis les méchants.
Chante, chante toujours, à ta muse fertile
L’avenir appartient, vas ne te lasse pas ;
Que peux-tu redouter, en ton modeste asile
Est un ange d’amour qui guidera tes pas !
Melchior BONNEFOIS, Voyageur forain, Hazebrouck. 1861.
Paru dans La Tribune lyrique populaire en 1861.