L’alouette
Adieu le vent, adieu la pluie ;
Le soleil nous rend sa chaleur,
Et doucement la brise essuie
La plaine en fleur.
De sa retraite sous le chaume
L’alouette sort à l’écart,
Et vers le ciel, son grand royaume,
Déjà repart.
Tout droit en haut elle s’élance,
Monte et babille et frappe l’air,
Et chante, chante, se balance
En plein éther.
Au fond du cœur de tout poète
Et des fidèles, ici-bas,
Il est de même une alouette
Qui ne meurt pas.
Elle est muette aux heures sombres,
Quand sur nous pleuvent les soucis ;
Quand nos pieds parmi les décombres
Errent meurtris ;
Quand au souffle du doute aride,
Comme l’âtre où s’éteint le feu,
La foi languit, que l’âme est vide,
Veuve de Dieu.
Mais le ciel brille et nous renvoie,
Doux rayons du jour éclairci,
Avec l’amour, la paix, la joie ;
Soudain aussi,
Comme sa sœur de la campagne,
Vers l’azur immense des cieux
Elle s’élève et s’accompagne
De cris joyeux.
Heureux alors si, plus fidèle,
Plus haut, plus haut, suivant sa loi,
Le cœur, mon Dieu, monte avec elle,
Jusques à Toi !
G. BOREL-GIRARD.
Paru dans Poésies de l’Académie
des muses santones en 1895.