Le fil d’argent
Sous l’œil indiscret de la lampe
J’ai vu scintiller sur ta tempe
Le beau cheveu blanc que voilà...
Et tu m’as dit, avec tristesse :
Quoi ! voici venir la vieillesse,
Déjà !
Allons, ma « Douce », ris et chante !
Pour si peu n’allons pas, méchante,
Troubler un seul de nos beaux jours ;
Mon amour fera ce prodige
Que tu seras jeune, te dis-je,
Toujours !
Bah ! que veux-tu ? chère compagne,
Comme nos pommiers de Bretagne
Tout doucement nous vieillirons,
Et Dieu qui fait fleurir leurs branches
Fleurira de couronnes blanches
Nos fronts !
Puis ce cheveu – dont je m’empare –
Semble être un fil d’argent, très rare,
Qu’en berçant Jésus et saint Jean,
La bonne Vierge, à la veillée,
A filé sur sa quenouillée
D’argent.
Et ce fil béni, je le garde,
Car, lorsque l’âge et la Camarde
De nos corps seront les vainqueurs,
Pour l’Éternité, ma jolie,
Je veux que ce soit lui qui lie
Nos cœurs.
Théodore BOTREL.
Paru dans Almanach de l’Action
sociale catholique en 1917.