Petit à petit
Lorsque j’entends les doux murmures
De leurs printanières chansons,
Je vais guetter, sous les ramures,
Les fauvettes et les pinsons :
Avec la mousse, avec la laine,
Mêlant le brin d’herbe jauni,
Petit à petit
Dans le cœur du chêne,
Petit à petit
L’Oiseau fait son nid !
Le jouvenceau, la jouvencelle
À l’aube de leurs dix-sept ans,
Comme l’oiseau, comme l’oiselle,
Frémissent quand vient le printemps.
N’est-ce pas Dieu, Lui-même, en somme,
Qui les rassemble et les bénit ?
Petit à petit
Dans le cœur de l’homme,
Petit à petit
L’Amour fait son nid !
Mais la route est rude et cruelle
À qui veut gravir les sommets
Vers l’Idéal qui nous appelle...
Et que nous n’atteignons jamais ;
Mille fois le sort nous assomme...
On se redresse à l’infini :
Petit à petit
Dans le cœur de l’homme,
Petit à petit
L’Espoir fait son nid !
Enfin, un matin, l’on s’étonne
Que tout soit de neige couvert :
On se croit à peine en automne
Que, déjà, l’on est en hiver !
Notre cœur dort son dernier somme,
Et puis notre esprit s’embrunit :
Petit à petit
Dans le corps de l’homme,
Petit à petit
La Mort fait son nid !
Théodore BOTREL, Contes du lit-clos, 1900.