Soir d’été

 

 

Lison, ma câline,

Quittons la colline,

Car le jour décline

Au rouge horizon,

Avant qu’il ne meure,

Profitons de l’heure :

À notre demeure

Viens-t’en, ma Lison !

Dans la paix immense

Du soir qui commence

Monte la romance

Des petits grillons,

Et la plaine rase

Que Phébus embrase

Savoure l’extase

Des derniers rayons !

 

Des voix enjôleuses

Sortent des yeuses :

Ce sont les berceuses

Des petits oiseaux.

Et, sa porte close,

La fermière Rose

Chante même chose

Entre deux berceaux !

C’est l’Heure très pure

Où dans la ramure,

Passe le murmure

Du grand vent calmé ;

L’Heure langoureuse

L’Heure où l’amoureuse,

Se suspend, heureuse,

Au bras de l’Aimé ;

 

C’est l’heure touchante

Où tout nous enchante,

Où la cloche chante

L’Angélus, au loin,

Et c’est l’heure grise

Où la douce brise

S’imprègne et se grise

De l’odeur du foin ;

C’est l’Heure où tout aime

Où, las du blasphème,

Le Méchant, lui-même,

Est un peu meilleur :

Le cœur se dépouille

De tout ce qui souille...

L’Âme s’agenouille

Devant le Seigneur !

 

Lison, ma petite,

Prions-Le bien vite

Pour qu’on ne se quitte

De l’Éternité,

Et qu’il nous convie

À fuir cette vie

À l’Heure ravie

D’un beau Soir d’Été...

 

 

 

Théodore BOTREL, Contes du lit-clos, 1900.

 

 

 

 

 

www.biblisem.net