La charité

 

 

« Grand-père, je suis bonne fille »,

Dit Claire, orgueil de la famille,

Sur le ton d’un enfant gâté,

« Je vais faire la charité.

Vois-tu ces jouets sur la table,

Et comme ils ont l’air lamentable ?

À tous manque au moins un morceau.

Je les donne aux enfants Mousseau :

Eux qui n’ont pour lits que des planches,

Ils en feront leurs beaux dimanches ;

Moi, je veux m’en débarrasser.

Maman, pour me récompenser,

Saura bien m’en acheter d’autres. »

 

« Non », repris-je, « gardez les vôtres :

Échanger du vieux pour du neuf,

C’est pour un bœuf donner un œuf.

C’est ainsi, je sais, qu’on trafique

Dans notre belle République :

C’est profitable, en vérité,

Mais ce n’est pas la charité.

Il faut, pour être charitable,

Et que l’aumône soit valable,

Qu’on se prive en cédant son bien.

Donner ses rebuts ce n’est rien ;

Seul se priver montre qu’on aime,

Et l’amour est le don suprême. »

 

Claire alors changea de façon :

Elle avait compris sa leçon.

 

 

 

Georges-A. BOUCHER,

Chants du Nouveau Monde, 1946.

 

 

 

 

 

 

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