La source

 

 

Je marchais triste et seul – ah ! plaignez l’exilé ! –

Un jour qu’à pied près d’un client j’étais allé ;

Je marchais, tête basse, au sein d’une campagne

‘Terne et sans aile, où tout dans le marasme stagne, –

Un territoire plat et tout à fait banal.

Et, morne, je songeais à mon pays natal,

Merveille de grandeur, beau port où tout inspire :

Le flot, le roc et jusqu’à l’air que l’on aspire.

Soudain autour de moi regardant, je dis : « Dieu,

Comment peux-tu te retirer ainsi d’un lieu ? »

Or, je passais alors auprès d’une humble source

Qu’un filet d’eau jaseur agaçait en sa course.

Attiré par le bruit, vers l’alléchant bassin

Je dirige mes pas dans l’unique dessein

D’y boire dans le creux de ma main une eau fraîche.

De ma voie écartant la broussaille revêche,

J’avançais. Mais voilà qu’arrivé sur le bord,

J’oubliai toute soif, si grand fut mon transport !

Et je ne pensai plus qu’au superbe spectacle

À mes pieds s’étalant : mon petit réceptacle,

À l’instant transformé, semble un monde réel

Qui palpite, profond et bleu comme le ciel.

J’y plonge mes deux yeux, et je fixe cette onde

Où luit tant de splendeur, que tant de flamme inonde.

Et, tout en contemplant ce pan d’immensité

Dans quelques gouttes d’eau tranquille reflété,

Je répétais : « Mon Dieu, que votre gloire est grande !

Vous êtes magnifique en la plus pauvre lande. »

 

 

 

Georges-A. BOUCHER,

Chants du Nouveau Monde, 1946.

 

 

 

 

 

 

 

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