Souvenir

 

 

                                                           À M. Anatole Mailloux

 

 

Adieu, mon cher, adieu, que le ciel te protège !

Et du fond des édens que tu dois habiter,

Rappelle-toi souvent nos bords couverts de neige,

Et cet ami songeur qui va te regretter.

 

Oui, vers ces régions du jour et de la vie,

Avec quel pied léger moi-même je fuirais,

Si seulement notre âme à sa peine asservie,

Retrouvait le repos au sein de tant d’attraits.

 

Mais contre le chagrin qui me ronge sans cesse,

Que vaudraient tous les feux dont le Sud est comblé ?

Ce soleil qui répand la force et la jeunesse,

Rendrait-il à mon cœur son amour envolé ?

 

Tu dis que sur ces bords divins de la Floride,

Il est aussi des lieux où l’on trouve l’oubli,

Où, reprenant ses jours sous un ciel plus limpide,

Le malheureux enfin goûte un sort mieux rempli.

 

Moi, pour vous posséder, bonheur, fortune et gloire,

Si mon cœur à ce prix devait vous obtenir,

Jamais je ne perdrais du passé la mémoire ;

J’aimai, j’aimai, Seigneur ! et veux m’en souvenir.

 

Il n’est qu’un seul voyage et long et solitaire,

Qui nous promet la paix en un suprême lieu ;

Et ce voyage, ami, que tout homme doit faire,

Nous le faisons chacun quand il convient à Dieu.

 

Oh ! lorsque vous partez pour vos lointains rivages,

Oiseaux, quand vous allez reprendre vos amours,

Si je pouvais aussi vers les célestes plages,

Si je pouvais, joyeux, m’envoler pour toujours !

 

Car c’est là que m’attend celle qui me fut chère,

Là que m’apparaîtra mon amour regretté ;

Et ce repos qu’en vain je chercherais sur terre,

Seule me le rendra la douce éternité.

 

 

 

Georges-A. BOUCHER,

Chants du Nouveau Monde, 1946.

 

 

 

 

 

 

 

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