Dans la tourmente

 

 

Quand la vague se cambre, écumant vers sa crête,

Une autre, plus rapide encore, la poursuit ;

Toutes vont se pressant ; aucune ne s’arrête :

Elle se briserait sur l’onde qui bruit.

 

Aucune ne résiste au courant qui l’entraîne.

Vainement ce fragment de mer, en ses sanglots,

Dirait : « Je n’admets pas qu’une main souveraine

Me pousse à tout jamais sur l’infini des flots ! »

 

Qu’importe à l’Océan si la vague murmure,

Puisqu’elle doit le suivre, esclave d’un milieu,

Avec l’impulsion qu’à sa masse il mesure,

Sans consulter jamais que la tempête et Dieu ?

 

Ainsi nous subissons d’effroyables outrages :

L’un rend sans cesse à l’autre injustice et douleurs,

Lançant les mêmes maux à travers tous les âges,

Chute d’un siècle à l’autre où s’abîment les pleurs !

 

C’est là qu’est la faiblesse épouvantable et lâche :

Rendre ce dont on souffre aux bons disgraciés, –

Et ceux-là seuls sont grands qui laissent, sans relâche,

S’évanouir le mal en écume à leurs pieds.

 

Et tandis que les flots du mal sapent leur base,

En roulant animés par un élan sans fin,

Tous ces rochers géants contemplent, en extase,

Le Ciel qui laisse agir le fatalisme humain.

 

 

 

Ernest BOUHAYE.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1890.

 

 

 

 

 

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