Envolez-vous !
Envolez-vous, ô mes pensées,
Blanches colombes de mon cœur :
Le vent qui vous a dispersées
Était le souffle du Seigneur !
Envolez-vous à tire d’ailes ;
Tombez au palais, au taudis,
Et secouez vos étincelles
Aux pieds des grands et des petits.
Dans la demeure somptueuse
Il est, peut-être, un angle obscur :
Soyez l’aube mystérieuse
Dont s’éclaire ce coin de mur.
À la mansarde, à la chaumière
Portez ma joie et mon espoir :
Où l’ombre étouffe la lumière,
Soyez le doux rayon du soir.
Envolez-vous, ô mes pensées,
Blanches colombes de mon cœur !
Le vent qui vous a dispersées
Était le souffle du Seigneur.
Envolez-vous, oiseaux de flamme,
Fuyez de ma tremblante main ;
Effeuillez-vous, fleurs de mon âme,
Parmi la ronce du chemin !
Marie BOULANGER.
Paru dans L’Année des poètes en 1895.