La chapelle
La chapelle est tapie au creux d’un grand rocher,
La croix de fer doré brille en haut du clocher,
Le porche en bois est plein de sculptures antiques,
Où des saints douloureux et des anges mystiques
Charment les cœurs dévots depuis quatre cents ans.
Les dimanches, c’était un flot de paysans
Qui tous portaient la veste ancienne en bure bleue.
Ils avaient pour venir marché plus d’une lieue ;
La poussière couvrait leurs guêtres de cuir brun,
Et, le chapeau de feutre en arrière, un par un,
Ils sortaient. Puis venait, en bonnet de dentelle,
La femme qui conduit ses enfants devant elle,
Le chapelet aux doigts, d’un air calme et pieux,
– Et les cloches chantaient doucement vers les cieux. –
Et moi, je m’étais fait une habitude exquise
De vous attendre au seuil de ma petite église
Où votre âme peut-être avait prié pour moi :
Vous vous faisiez attendre, et c’était un émoi
Délicieux de voir dans la chapelle sombre
Votre visage aimé se détacher de l’ombre
Lentement. La foi pure illuminait vos yeux
De je ne sais quel feu chaste et mystérieux,
Mais vous n’aviez pour moi ni reproche ni plaintes,
Et vous me pardonniez comme auraient fait les saintes
De ne jamais plier les genoux devant Dieu.
Or, ces dimanches-là, quand le ciel était bleu,
Ensemble nous allions à travers le village,
Nous suivions les rochers ensemble, puis la plage ;
Vos cheveux déroulés tremblaient au vent de mer,
L’Océan nous lançait son large souffle amer,
Et nous marchions ainsi jusque sur la jetée.
– Je n’ai pas oublié cette mer enchantée,
Le ciel clair, les flots bleus balancés mollement,
Les voiles des bateaux dans un lointain charmant,
Les grands oiseaux lancés sur nous à pleines ailes,
Ni les cris des pêcheurs, ni les voix éternelles
Qui de la mer montaient comme un hymne au ciel pur.
Vous sembliez sourire et marcher dans l’azur,
Gaie et fraîche, et pourtant plus pâle encor que rose.
Et moi, vos moindres mots m’attendrissaient sans cause ;
Mais si profondément, que j’aurais devant vous,
Comme un prêtre à l’autel plié les deux genoux,
Et que je devenais muet, l’âme ravie,
Tout éperdu devant la beauté de la vie.
Paul BOURGET.