Lettre
Bien que de si peu ton aînée,
Tel mon enfant je t’ai chéri.
Ensemble nous avons tant ri,
Tant joué, durant tant d’années !
Et puis Monseigneur t’a fait prêtre ;
Tes doigts, qui si fort ont tiré
Mes pauvres cheveux, consacrés,
Du Tout-Puissant même sont maîtres.
J’étais autrefois ton oracle
Et je t’apporte maintenant
Ma pauvre âme morte, humblement,
Pour que tu fasses un miracle.
Moi qui t’ai grondé, tu me prêches ;
Puis sur mes lèvres tu as mis
Le Dieu qui voulut pour ami
L’ami de mon enfance fraîche.
Et je suis maintenant ta « fille » ;
Je me prosterne devant toi
Dans l’église où plus grand qu’un roi,
(Toi qui me dois encor des billes !),
Tu lèves l’ostensoir qui brille.
Je prie alors plus hardiment :
Car j’imagine ingénument
Que Jésus est de ma famille.
Andrée BOURÇOIS-MACÉ.
Paru dans la revue Le Noël
en avril 1938.