Nocturne
Nuit, prête-moi ton ombre que j’y cache
Ce cœur durci par l’orgueil et le temps,
Ce cœur fervent que je voulais sans tache
Et toujours neuf à l’éveil du printemps.
Étends sur moi l’épais manteau complice
Dissimulant tout le mal que j’ai fait ;
Sois pour ma pénitence le cilice
Dont j’enveloppe un rêve insatisfait.
Sois le linceul dont le froid nous délivre
Et voile aux yeux des hommes le remords
De caresser l’âcre plaisir de vivre
Dans le sillage innombrable des morts.
Gaston BOURGEOIS,
Au bout du vent,
Éditions Revue moderne,
1959.