Sonnet
Heureux celui qui peut, s’asseyant à la table,
Dire, en participant aux douceurs du festin :
« Je ne crains rien, Seigneur, et n’étant pas coupable,
D’un cœur pur et serein j’affronte mon destin.
« Je sais que ta colère est juste et redoutable
Mais je n’ai pas pris part au combat clandestin ;
J’ai construit sur le roc, j’ai prié sur le sable
Et ma maison s’élève au soleil du matin.
« J’ai célébré ta gloire et fleuri ton église,
J’ai refusé la haine et ma seule hantise
Fut de toujours chercher à respecter ta loi.
« De mes efforts jamais je ne fus économe,
Et le doute n’a pu s’élever jusqu’à moi
Dans un ciel insensible à la peine de l’homme. »
Gaston BOURGEOIS,
Au bout du vent,
Éditions Revue moderne,
1959.