Stabat Mater
Le cœur percé d’un glaive en sa douleur amère,
En haut du Golgotha, les yeux brûlés de pleurs,
Mourante, mais debout, restait la Sainte Mère,
La Mère de Jésus... la Mère de douleurs !
Aux ombres de la mort, la victime divine
Livrait son front pâli qu’ensanglantait l’épine ;
La croix semblait gémir, la terre s’entrouvrait ;
L’astre de feu voilait les splendeurs de sa face,
Les mondes effrayés se heurtaient dans l’espace
Et la Vierge pleurait !
Ah ! qui pourrait la voir, ainsi pâle et brisée
Sans tomber à ses pieds, avide de souffrir !
Et, baigné par ses pleurs, fécondante rosée,
À porter son fardeau, qui ne voudrait s’offrir !
Est-il un cœur de roi dont la muette fibre
Ne tremble pas émue à cet adieu qui vibre,
À ce long cri de mère, avec horreur jeté ?
Le temps qui n’osait pas frapper l’heure mortelle,
Gardant ce cri sans nom dans les plis de son aile,
Jusqu’à nous l’a porté.
Au sein des longues nuits, il résonne et me touche
Dans l’ombre épaisse et noire ou le feu des éclairs,
Pour le mieux écouter, je fuis alors ma couche
Et les mains sur mon cœur, je le suis dans les airs.
Il gémit dans les flots, il pleure sur la grève,
Il plane sur les monts et jamais ne s’achève ;
C’est l’éternel écho d’un éternel amour !...
La terre cependant sourit, chante, rayonne
Et nous tressons parfois une folle couronne
De nos bonheurs d’un jour.
Ah ! je ferme l’oreille aux terrestres promesses,
J’ai trop longtemps aimé ce qui trompe et qui luit ;
J’ai soif, oh ! oui, j’ai soif de plus saintes tendresses,
J’ai besoin du soleil pour dissiper ma nuit !
Ô vierge ! dans vos pleurs, source amère et sacrée,
Dans l’abîme profond de votre âme ulcérée,
Laissez-moi, laissez-moi puiser l’amour sans fin !
Ah ! je veux de la croix, les saignantes blessures,
J’en veux, ainsi que vous, le poids et les tortures,
L’amer bonheur enfin.
L’univers ne m’est rien ; je vous livre mon âme
Et j’enchaîne ma vie à la croix du Sauveur ;
Jusqu’à lui portez-moi dans votre essor de flamme,
Pour l’aimer comme vous, prêtez-moi votre cœur !
Et quand se lèvera le dernier jour des mondes,
Quand ébranlés enfin, en leurs bases profondes,
Ils crouleront frappés par la divine main,
Montrez-moi vos splendeurs, ô radieuse Reine !
Et donnez à mes yeux la lumière sereine
Du jour sans lendemain.
Mélanie BOUROTTE.
Paru dans La Tribune lyrique populaire en 1860.