Psaume II
VOUS avez fait le ciel pour vous-même, Seigneur,
Et la terre d’ici pour les enfants des hommes,
Et nous ne savons pas de plus réels bonheurs
Que les bonheurs cernés par le monde où nous sommes,
Nous voulons bien un jour célébrer vos louanges
Et nous unir aux chants de vos désincarnés,
Mais vos enfants, Seigneur, ils ne sont pas des anges,
Et c’est aux cœurs d’en bas que le cœur est lié.
Pardonnez-nous, Seigneur, de ne pas oser croire
Que le bonheur pour nous ait une autre couleur
Que la joie de la source où nos bouches vont boire
Et du feu où nos mains recueillent la chaleur.
Pardonnez-nous, Seigneur, dans nos prisons captives
De songer avant tout aux vieux trésors humains,
Et de nous retourner toujours vers l’autre rive
Et d’appeler hier plus encore que demain.
Pardonnez-nous, Seigneur, si nos âmes charnelles
Ne veulent pas quitter leur compagnon le corps,
Et si je ne puis pas, ô terre fraternelle,
Goûter de l’avenir une autre forme encor.
Car les enfants pressés contre notre joue d’homme,
Les êtres qu’ont aimés nos cœurs d’adolescents
Demeurent à jamais devant ceux que nous sommes,
L’espoir et le regret les plus éblouissants.
Et nous ne pourrions pas, pétris de cette terre,
Rêver à quelque joie où ne nous suivraient pas
La peine et le plaisir, la nuit et la lumière
Qui brillaient sur le sol où marquèrent nos pas.
Robert BRASILLACH, 30 octobre 1944.
Recueilli dans Poèmes de Fresnes.