Psaume III

 

 

IL vient auprès de moi tous les captifs du monde,

De ce monde total fermé de barbelés,

Et je songe à la nuit où leurs ombres se fondent,

Où tous leurs désaccords paraissent jumelés !

 

Il vient auprès de moi les captifs de la terre,

Ceux qui se sont battus, ceux qui se sont haïs,

Maintenant rassemblés par la même misère,

Et parmi leurs prisons à jamais réunis.

 

Voici, je reconnais vos formes dissemblables,

Ô mes frères captifs des multiples cachots,

Vos camps dans la tourbière où souffle un vent de sable,

Votre cellule étroite avec ses neufs barreaux.

 

Le soldat prisonnier contemple son mirage

Sous les noirs miradors où veille un gardien gris

Et depuis tant d’années fait lever les images

D’un pays effacé et d’un foyer pâli.

 

Traînant hors de l’oubli leur peine sans figure,

Ceux-là dont nul ne sait à tout jamais plus rien,

Les déportés perdus dans les landes obscures

Se sont levés dans l’ombre et me tendent la main.

 

Les ouvriers parqués dans l’enclos des baraques,

Les condamnés errant dans les mines de sel,

Les évadés furtifs que les polices traquent

Sortiront bien un jour du silence mortel.

 

Je ne distingue plus les traits de ces fantômes,

Ils sont pareils, ils vont, marchant du même pas,

Les épaules courbées sous le mal d’être un homme

Et fraternellement ils me parlent tout bas.

 

Seigneur, voici venir les captifs de la terre.

Seigneur, vous avez fait les libres horizons,

Mais l’homme seul a fait la prison et la guerre.

Seigneur, ce n’est pas vous qui faites les prisons.

 

Faites que quelque jour de leurs terres lointaines

Quittent leurs durs ennuis les captifs de partout,

Faites qu’ils laissent là leurs verrous et leurs chaînes

Et que tous les absents soient présents parmi nous.

 

 

 

Robert BRASILLACH, 6 novembre 1944.

 

Recueilli dans Poèmes de Fresnes.

 

 

 

 

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