Calme en moi, Seigneur...
Calme en moi, Seigneur,
cette soif d’amour que j’ai,
qui fait pleurer mon âme,
qui fond les paroles de ma langue
et les change en miel et en parfum
pour moi, tandis que je les sens
qui embaument ma pensée
en l’absence de ceux que j’aime.
Calme en moi, Seigneur,
cette soif d’amour que j’ai.
Car en présence de celle que j’aime, je sens
que l’atmosphère du monde
fait geler ma parole
qui ne coule plus selon le vouloir de ma pensée.
Je fis de mon cœur un mandement,
comme sont faits de soleil
les blés des champs,
et j’aimai tous les hommes,
j’aimai toutes les choses,
mais seules les choses m’ont compris.
Les hommes y ont cherché motif
et se défièrent de l’amour d’un autre homme.
Mon cœur distille,
silencieux, un doux pleur,
car il entend l’appel
urgent de l’amour.
Ma volonté lui impose
un douloureux silence :
mon mandement, je le vis
dans un monde intérieur.
Calme en moi, Seigneur,
cette soif d’amour que j’ai,
qui fond les paroles sur ma langue
et les change en miel et en parfum.
Calme-moi, Seigneur.
Comme un rayon de miel
sous le soleil fulgurant,
mon cœur distille
un doux pleur d’amour.
Enduis mon corps de ton onguent
de paix et de lumière,
et calme-moi, Seigneur !
Roberto BRENES MÉSÉN,
Les dieux reviennent, 1928.
Recueilli dans Introduction à la poésie ibéro-américaine,
Présentation et traduction par Pierre Darmeangeat
et A.D. Tavares Bastos, Le Livre du Jour, Paris, 1947.