Je crois que mon cœur est mort...

 

 

Mon cœur dort lourdement dans mon âme engourdie,

Froid comme un galet dur ballotté par la mer,

Et je crois qu’il est mort, presque sans agonie.

 

Il n’a pas su pleurer, quand s’éteignait la vie

De ce qu’il possédait au monde de plus cher...

Mon cœur dort lourdement dans mon âme engourdie.

 

Quand j’aurais dû souffrir, hurler, pleurer, raidie

J’ai senti se durcir mon cœur, mon cœur de chair,

Et je crois qu’il est mort presque sans agonie.

 

De l’eau coule parfois de mes yeux que j’essuie

Sans comprendre pourquoi, car je n’ai pas souffert.

Mon cœur dort lourdement dans mon âme engourdie.

 

Je ne sais pas souffrir, je traîne et je m’ennuie ;

J’avais un cœur puissant, âpre, ardent et amer,

Mais je crois qu’il est mort presque sans agonie.

 

Il n’y a rien en moi, rien que la nostalgie

D’avoir été vivante immensément, hier ;

Maintenant mon cœur dort dans mon âme engourdie.

 

...Ô mon Dieu, dites-moi, je ne suis qu’endormie ?

Oh ! rendez-moi la foi en mon cœur grand ouvert

Car je crois qu’il est mort, presque sans agonie...

 

Ce n’est qu’un rêve lourd, de mort et de folie,

Je vais me réveiller dans le grand matin clair...

Mon cœur dort simplement dans mon âme engourdie,

Il n’est pas mort... il a souffert une agonie...

 

 

 

Baronne F. de BRÉTIZEL.

 

Paru dans Les poètes de la tradition en janvier 1937.

 

 

 

 

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