Montmajour

 

 

Ô cloître possédé de soleil et de vent,

le ciel ne peut plus fuir la force de tes pierres.

Il se nourrit en toi d’un dur pain de lumière

que tu consacres seul dans la plaine et le temps.

 

Les vignes ont meurtri le jeu de tes colonnes

et ta voûte se ruine à l’ombre des abeilles.

Pourquoi résistes-tu à l’âcre odeur de treille

que parfois une brise, à ton silence, ordonne ?

 

Tu sais pourtant combien les pas morts se survivent

à n’être que rumeur de source au creux du puits,

qu’obsédante chaleur d’été tôt accompli,

émiettant le chant de ses cigales vives.

 

Tu sais le maigre éclat des moines enterrés

dont la mort a blanchi les os poreux et tendres.

Ne les sépare pas de ce que veut entendre

ce bel amandier nu où l’oiseau vient errer.

 

Sois ce geste muet que chaque été dévore,

ce monastère éteint que Dieu a rejeté

parmi des roseaux gris, dans une éternité d’azur

et de rigueur que la lavande adore.

 

 

 

Roger BRUCHER,

Rites pour une Clarté, 1958.

 

Recueilli dans

La nouvelle poésie belge d’expression française,

anthologie 1950-1960,

préfacée par Pierre-Louis Flouquet,

Unimuse, 1961.

 

 

 

 

 

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