Orgueil de l’homme
Homme infortuné,
Et pourtant vaniteux,
Adonné au mal,
Vautré dans le péché,
Que tu sois jeune ou vieux,
Pauvre ou riche,
Il ne faut pas oublier
Que tu es fait de boue noire
Et non pas d’or pur,
Ni de pierre précieuse.
Où trouves-tu la force
De tirer vanité de tes actions,
D’opposer ton orgueil au Seigneur
Et de vanter ta propre gloire ?
Tu n’as apporté dans ce monde
Ni prospérité ni trésors,
Ni sagesse ni méchanceté,
Et encore moins la grandeur.
Tu n’y as pas apporté le savoir,
Ni la vertu, ni le courage,
Impuissant à t’aider toi-même.
Tu n’y as apporté ni vie de château,
Ni destriers fougueux et rapides.
Tes parents et tes proches,
Les bons et les méchants,
Ne sont nullement ton œuvre.
Tu es né dans la souillure,
Affligeant ta propre mère
Et versant des pleurs amers
Car tu ne savais rien faire,
Même pas t’aider toi-même.
Vautré dans tes excréments,
Tu ne pouvais pas parler
Et poussais des hurlements
Blême à force de pleurer.
Tu es donc venu au monde
Dans la douleur et l’affliction,
Entouré de tant d’ennemis.
À la fin, pauvre et obscur,
Tu quitteras cette vie,
Misérable créature !
Tu oublieras ton orgueil
Et la folie des grandeurs.
Adieu, vie de château,
Guerres et exploits,
Adieu, beaux discours,
Destriers et panoplies.
Ainsi, tu verras moisir
Dans les ténèbres sépulcrales
Nombre d’hommes courageux,
Jadis célèbres par leurs prouesses.
Où sont donc ces nobles vieillards
Qui vécurent bien avant nous,
Et ces braves orgueilleux
Plus rapides que les éclairs ?
Mais où sont ces jeunes gens
Fiers de leur beauté juvénile
Et que tu voyais souvent ?
Mais où sont ces seigneurs
Écrasant tout de leur mépris,
Vains de leur folle grandeur
Tout au long de leur vie ?
La Mort les a tous fauchés,
Jeunes et vieux,
Pauvres et riches,
Indifférente à leurs biens.
Quelque riche qu’il soit,
Quel que soit son courage,
L’homme ne peut rien contre elle :
Personne n’échappe à la Mort.
Toi aussi, elle t’attend,
Que tu sois jeune ou vieux,
Et t’épie à chaque instant
Pour mettre un terme à ta vie.
Elle ne cesse de te chercher
Où que tu sois, nuit et jour,
Et finira par te trouver ;
Que tu travailles ou que tu songes
À cette vie triste et pénible,
Que tu chantes, danses et t’amuses,
Vain de ta folle grandeur,
Accablé et affligé,
Et les autres jouiront
De tout ce que tu possèdes.
Veuillez m’écouter, chrétiens,
Et vous autres, fils de Dieu,
Ne fondez pas vos espoirs
Sur les jouissances d’ici-bas,
Elles ne sont qu’illusion
Et sonnent toutes creux,
Méfiez-vous de leur appel
Car elles mènent aux ténèbres.
Pieter BUDI.
Recueilli dans Anthologie de la poésie albanaise,
Éditions « 8 Nëntori », 1983.