As-tu cherché, ma sœur...
As-tu cherché, ma sœur, à démêler les causes
De notre navrement quand se fanent les roses ?
Ce qui nous laisse au cœur un si poignant regret
C’est de n’avoir pas su deviner leur secret.
Nous ne connaissons bien que le dehors des choses
Mais le dedans, ma sœur, et leurs âmes encloses !
Petit pauvre d’Assise, enseigne-nous comment
On peut tout pénétrer si fraternellement.
Dis-nous – car pour les saints, l’écrin des apparences
Consent à découvrir toute sa transparence –
Dis-nous ce qu’un regard très pur et très aimant
Voit briller sur la terre ainsi qu’un firmament.
Nous avons oublié les noms des créatures
Les véritables noms, ces clefs d’or des natures
Que Dieu même, penché sur l’abîme béant
N’eut qu’à laisser tomber pour peupler le néant.
Adam lisait ces noms avant que la souillure
Changeât leur évidence en symbolique obscure.
Dans un monde où tout parle un langage étranger
Combien d’esprits chercheurs ont voulu reforger
La verbale alchimie et trahis dans leur zèle
Avec Arthur Rimbaud se sont brisé les ailes.
Il faut donc voir mourir sans pouvoir dégager
Le divin, que chaque être apporte en messager !
Ô fillette, pourtant, malgré la mort des roses
François chantait toujours et j’en comprends la cause.
Au soir, quand par degrés, le jour baisse et s’éteint
Le soleil subit-il un semblable destin ?
Elle existe à jamais la Splendeur entrevue !
Ici-bas, son reflet tremblotant s’exténue
Aux fragiles miroirs qui se brisent enfin
Mais Dieu, l’astre du beau, ne connaît nul déclin.
André CAILLOUX, Fredons et couplets,
Beauchemin, 1958.