Le chant de l’oriol
Pour l’oriol qui chante, au soir, son court bonheur
Dans la paix d’un beau chêne au feuillage immobile,
N’existe que le chant de sa gorge fragile,
À lui-même musique où se mire son cœur.
Ailé pipeau, flèche sonore au creux du ciel,
Tendre chair palpitante au danger qui l’affole,
Frêle jouet de l’air, il chante comme il vole,
Confiant sa candeur aux mains de l’Éternel !
En son âme éperdue où des ombres s’enlacent
Que le sable du temps jour après jour détruit,
Hanté par le mystère insondable des nuits,
Retenu par les liens des terrestres disgrâces,
Le poète torture à l’infini son rêve
Et son chant mesuré, comme un lourd cerf-volant,
Même alors qu’il s’élance emporté par le vent
Vers les sommets glacés où la lune se lève,
Traîne ; hélas ! trop de toile et de corde après lui
Pour ne pas retomber vers la terre insoumise
Ou, déchaîné, l’Enfer en le plaquant le brise
Et le jette en lambeaux au gouffre de l’oubli.
Comme le rossignol, ô que je trouve un jour,
Dans l’abandon total d’une pleine innocence,
Et pour un seul poème éclos dans le silence,
La pureté d’un chant qui monte sans retour !
Maurice CAILLARD.
Recueilli dans Anthologie de la Société des poètes français, t. I, 1947.