Les pèlerins d’Emmaüs
C’est mon moi dédoublé qui parle sur la route.
« Son corps agile est beau comme une chair en fleur.
– À l’impossible amour, dis non, quoi qu’il t’en coûte.
– Trop tard, ses yeux de geai m’ont aimanté le cœur.
– Tu vas exaspérer ta fièvre, si tu goûtes
Ce péché. – Bah ! tant pis, je livre à la langueur
Délirante les clefs de mon être en déroute.
– Tu te réveilleras plus loin de ton bonheur.
– Du moins dans ce sommeil aurai-je connu toute
L’exquise volupté de l’avoir contre moi !
– Et puis tu pleureras comme les autres fois. »
Mais le bon Voyageur est là qui nous écoute.
Il a rejoint nos pas et quand sonne sa voix
Il n’y a plus au sol qu’une ombre pour nous trois.
André CAILLOUX, Fredons et couplets,
Beauchemin, 1958.