Le chant des Grecs
Aux combats, fils de l’Achaïe !... Nos cœurs bravent les tyrans : notre pays ne fut pas en vain le premier jardin de la liberté ; il sera de nouveau la terre de l’homme libre ! La croix de notre foi est replantée ; le pâle croissant est vaincu, et nous marchons pour effacer, dans le sang, la trace imprimée sur les tombes de nos ancêtres par les pas des esclaves de Mahomet. Les ombres paternelles planent au-dessus de nous, et le glaive nous rendra notre gloire.
Qu’importe que les rois nous refusent leurs secours, que les lances chevaleresques de la chrétienté refusent de briller pour notre défense ?.... Combattons seuls, et, seuls, nous périrons ou nous triompherons avec gloire : car nous avons juré par les oppresseurs de notre patrie, par les vierges qu’ils ont arrachées de nos autels, par nos compatriotes massacrés, par nos enfants dans les fers, par nos héros du vieil âge et par leur sang qui coule dans nos veines, que, vivants, nous serons vainqueurs ou que notre mort sera glorieuse.
Nous n’exhalerons pas un souffle de soumission ; nous ne déposerons point le glaive que nous avons tiré ; son fourreau est resté sur la tombe de nos martyrs, et sa lame est aiguisée par la vengeance. La terre peut nous cacher, les flots nous engloutir, le feu nous consumer ; mais les tyrans ne nous condamneront pas à l’esclavage : s’ils règnent, ils régneront sur nos cendres et sur nos tombeaux. Mais nous les avons déjà frappés avec le feu sur les flots, et de nouveaux triomphes nous attendent.... Marchons !... La bannière du ciel est déployée sur nos têtes.
L’histoire de ces jours fera rougir nos enfants de honte ou elle illustrera nos vies. Nos femmes.... ah ! pousseront-elles les cris du désespoir, ou embrasseront-elles leurs époux revendant chargés de dépouilles, avec des couronnes sur leur chevelure ? Maudite soit la mémoire du lâche qui voudrait chercher le repos avant que nous ayons foulé le turban sous nos pieds et que nous ayons montré les successeurs des guerriers de l’Olympe ! Marchons !... et l’univers nous révérera comme des héros, dignes descendants des héros.
La vieille Grèce illuminera avec des transports joyeux, son archipel et ses îles de l’Océan : les temples relevés et les villes resplendissantes retentiront de chants de fêtes, et les Neuf Sœurs reviendront à la source de leur Hélicon. Nos âmes éteintes par l’esclavage s’enflammeront par la liberté ; nos jeunes filles danseront en entrelaçant leurs bras de neige, et en chantant le brave, libérateur de leurs charmes, tandis que le sang des Musulmans vaincus empourprera les becs de nos corbeaux !
Thomas CAMPBELL.
Recueilli dans Ballades, légendes et chants populaires
de l’Angleterre et de l’Écosse,
publiés par A. Loève-Veimars, 1825.