Consolation
Je ne l’ai vu qu’un jour, mais son noble visage
Portait empreint tant de pâleur,
Et son front, que troublait un funeste présage,
Penchait si triste et si rêveur ;
Une larme furtive humectait ses paupières,
Et des soupirs si douloureux
S’échappaient malgré lui de ses lèvres amères,
Que j’ai dit : c’est un malheureux !
C’est un infortuné que dévore sans doute
Un mal qu’il craint de révéler
Et qui n’a pas en cor rencontré sur sa route
Un ami pour le consoler.
Des biens qui nous font belle et douce une existence
Aucun ne lui fut refusé,
Et pourtant il gémit, et pourtant l’espérance
A fui de son sein épuisé...
Ah ! c’est que dans nos cœurs le ciel mit une fibre,
Fatal organe du malheur ;
Qui peut bien sommeiller, mais alors qu’elle vibre,
Vibre longtemps pour la douleur !
Le coup qui l’ébranla nous brise et nous atterre ;
Et, quand son bruit vient nous saisir,
Implacable et cruel, pour longtemps il fait taire
La voix riante du plaisir.
De frêles facultés avant le temps usées,
De l’amour l’orageux tourment,
Et nos affections par le trépas brisées,
L’éveillent, hélas ! trop souvent !
Mais, il est une main dont le pouvoir l’arrête,
Calme son murmure ennemi,
Et nous rend notre joie et nos concerts de fête
C’est la main douce d’un ami.
Oh viens, infortuné, je garde à ta souffrance
Ma part de ce don précieux !
Je veux te faire encor sourire à l’espérance
Et trouver beau l’azur des cieux !
Sans crainte et sans réserve, épanche dans mon âme
Des maux qui vont bientôt cesser ;
Laisse-la consumer comme une sainte flamme
Ce que l’oubli doit effacer ;
Et, vers le but sublime où la vertu t’appelle,
Marchant d’un pas mieux affermi,
Tu sauras ce que vaut pour celui qui chancelle,
L’appui d’un véritable ami !
Jules CANONGE, Les Préludes, 1835.