Le bonheur
À MA FEMME
Où donc est le bonheur ? disais-je. – Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l’avez donné.
VICTOR HUGO.
J’ai cherché vainement dans les bruyantes fêtes,
Où l’éclat des plaisirs éblouit tant de têtes,
Ce trésor précieux qu’on nomme le bonheur ;
Je l’ai cherché d’abord sur le sol que je foule
En voulant soulever les bravos de la foule,
Et je n’ai recueilli qu’un éphémère honneur !
Pour le trouver, j’ai fait de pénibles voyages,
Franchi les flots amers, parcouru maints villages
Où la vive gaîté faisait battre les cœurs ;
Mais, ô fatalité ! la sombre nostalgie,
Ce désir violent de revoir la patrie,
Aggravait chaque jour le poids de mes malheurs !
Après avoir vécu sur la plage étrangère,
Sans ressource et craignant la main de la misère,
Je revins au pays avec le fol espoir
De trouver le bonheur en l’amitié sincère
D’hommes que mainte fois j’avais aidés naguère.
Mais les cruels ingrats rougirent de me voir !
Le bonheur !... pour l’avoir j’ai gravi le Parnasse
Sur la cime duquel les disciples d’Horace
Buvaient le doux nectar que leur versaient les dieux ;
J’allais toucher au but, quand mon lâche Pégase,
Prenant un ton railleur, me lança cette phrase :
« Halte-là ! car tu n’es qu’un intrus en ces lieux... »
Alors je m’écriai, dans ma douleur amère,
Où donc est le bonheur ? Serait-ce une chimère
Qui redonne l’espoir à tout être souffrant ?
Hélas ! je le croyais... Mais dès le jour, ô femme,
Où les sons de ta voix firent vibrer mon âme,
Je goûtai du bonheur le délice enivrant !
Et depuis qu’à nos yeux – aurore fortunée –
S’alluma le divin flambeau de l’hyménée,
Le bonheur, tu le sais, nous souris toujours.
Il nous sourira même au sein de la souffrance,
Parce que nous plaçons toute notre espérance
Dans le Dieu qui bénit et féconde les jours !
Septembre 1886.
J.-B. CAOUETTE,
Les voix intimes, 1892.