Action de grâces
Merci, merci, mon Dieu ! qu’aurais-je fait sur terre,
Hélas ! sans ta bonté ?
Tu donnas à mon âme une douce chimère,
Une pure clarté.
Merci ; je suis heureux, car libre et sans envie,
Au milieu des méchants,
Je les laisse gronder, et je passe une vie
Digne de tes enfants.
Comme la fleur des bois, dans mon humble retraite,
En ma simplicité
Je goûte le bonheur de l’humble anachorète,
La douce piété.
Pensif, autour de moi je vois courir la foule
À ses plaisirs ardents,
L’innocent entraîné, qui comme une fleur roule
Au milieu des torrents !
Eh ! qu’importe à mon cœur ce bruyant météore
Et son ardent désir,
Ces fêtes, ce bonheur qu’un instant voit éclore,
Qu’un instant voit mourir ?…
Qu’importent tous ces chants où l’orgie est maîtresse,
Où l’âme se flétrit ?
Où l’homme de son nom abjure la noblesse
Dans un gouffre maudit ?
Loin de tous les éclats de cette vie impure,
Hideuse volupté,
Je me suis exilé, j’admire la nature
Et sa divinité !
Je chante doucement, et puis mon front se penche
Au délire du cœur;
Simple comme l’oiseau gazouillant sur la branche,
J’offre un hymne au Seigneur !...
P. CAPLAIN,
tourneur en cuivre.
Paru dans Poésies sociales des ouvriers,
poèmes réunis par Olinde Rodrigues, 1841.