L’Angélus aux champs
O fortunatos minium.....
VIRGILE.
On n’entendait plus rien, dans le tranquille Armor,
Que les chants de bergers et les cris lamentables
Des troupeaux qui rentraient lentement aux étables ;
La nuit tombait déjà sur la vieille Occismor.
Près de nous, dans un champ, des hommes et des femmes,
Courbés sur les sillons et groupés deux à deux,
Travaillaient, en silence, à la lueur des flammes
Qui brûlaient l’herbe sèche entassée autour d’eux.
Ils étaient prosternés sur la terre assombrie,
Souffrant, sans murmurer, la fatigue pour nous ;
Le grave laboureur, comme l’homme qui prie,
Dans ses rudes travaux est souvent à genoux.
Le tintement lointain d’une cloche plaintive,
Sur le vent de la mer, arriva de Saint-Pol ;
Tous, prêtant à sa voix une oreille attentive,
Redressèrent leurs fronts inclinés vers le sol.
Et, sous le calme azur de ce beau ciel sans voiles,
Les Bretons ignorants, qu’une foi vive instruit,
Récitèrent, en chœur, l’Angélus de la nuit,
Les mains jointes, les yeux tournés vers les étoiles.
A. de CARNÉ.
Paru dans L’Année des poètes en 1894.