Chant de mai
Vous souvient-il, ma Dame et doulce amye,
Qu’ung soir d’amour – j’en suis resveur encor –
Les blancs rayons de Sélène endormie
Poudroient d’argent vos soyeux cheveux d’or,
Vous me disiez tendrement à l’oreille
Que vous m’ay-mie ? – j’en pensay défaillir –
Je crus pourtant à l’exquise merveille.
En ceste foy, je veulx vivre et mourir.
Je vous ay cru, la chose estoit si doulce !
Je vous ay-mois de si loyal amour !
Pourquoy fault-il que vostre main repousse
Aujourd’hui, las ! le povre troubadour,
L’aymez-vous plus ? ou, caprice de belle,
De sa douleur voulez vous réjouir ?
Les jours d’été vous feront moins cruelle,
En cest espoir je veulx vivre et mourir.
Puis, bon amant oncques ne désespère ;
Or je vous ayme et subis votre loy,
Plus que ma vie et bien plus m’estes chère,
Elle est à vous, mais Vous estes à moy.
Ne m’aymeriez d’ailleurs, ma Souveraine,
Mon grand amour n’en sauroit point foiblir,
Aultre que vous je n’élyrai pour reyne,
En cest amour je veulx vivre et mourir.
ENVOY :
Or pardonnez, ma Dame, à ce langage
S’il vous a pu tant soit peu rembrunir,
Dans vostre ciel qu’il n’en soit qu’un nuage,
En repentant je veulx vivre et mourir.
Edmond CARTON DE WIART.
Paru dans Durendal en 1896.