Phénomène divin
LES hommes, au sortir du livre et du journal
Où le crime sanglant s’étale avec l’ordure,
S’étonneront tout bas à la calme lecture
De mes vers exhalant leur parfum virginal...
Je suis l’homme pourtant comme eux, je suis l’abîme
Où la matière et l’âme ont leurs terribles chocs :
Des monstres, passions d’enfer, peuplent les rocs
Où ma raison parfois en tournoyant s’abîme ;
Je suis l’homme : je porte un corps pareil au leur,
Mon esprit eut ses jours de mauvaise révolte,
Et c’est bien le regret que souvent je récolte
Sur l’arbre qu’éprouva le givre ou la chaleur.
Mais il est vrai qu’un Dieu répara toute faute,
Que mon âme a par Lui d’étonnantes clartés,
Que par Lui mes regards, de la fange écartés,
Plongent dans une sphère ineffablement haute ;
Il est vrai que le saint prodige s’accomplit
Dont le Calvaire après la Cène était l’augure,
Et que le sang du Christ mourant me transfigure,
Et que la pureté divine me remplit.
1887
Jean CASIER, Chants intimes, 1896.