Crépuscule au sertao
Le soir mourait. Sur les eaux argileuses
Longuement s’étirait l’ombre des berges.
Dans la guette effilée des arbres secs
On entendait se lamenter l’araponga.
Le soir mourait ! Des branches, des silex,
Des pierres, du lichen, des lierres, des chardons,
Les ténèbres rampantes ventre à terre
Sortaient, cruels et sombres léopards.
Le soir mourait... Dans l’eau plus enfouie
Baignait la galle de l’engazeiro sombre...
Au souffle frais des brises frissonnant,
Musical gémissait le cocotier.
Profond murmure et géante marée !
Est-ce un silence ou le chant d’un orchestre...
Depuis la feuille, le calice, l’aile, l’insecte...
De l’atome à l’étoile... du ver à la forêt !...
Sous l’aile les hérons mettaient leur bec
Vermeil, pour le soustraire au fouet des brises,
Et la terre dans la vague azur de l’infini
Couvrait sa tête des plumes de la nuit !
Seul, par instants, des jungles riveraines
Des golfes énormes de ces contrées,
Levait la tête, inquiet et surpris,
Couvert de limons, un taureau sauvage.
Lors les macreuses, qui flottaient tout à la ronde
Au hasard, apeurées, infléchissaient leur vol,
Et la troupe craintive, cinglant vers d’autres plages,
Au-dessus de la barque avec des cris passait !...
António de CASTRO ALVES.
Traduit par Armand Guibert.
Recueilli dans Anthologie de la poésie ibéro-américaine,
Choix, introduction et notes de Federico de Onis,
Collection UNESCO d’œuvres représentatives, 1956.