Épithalame
À mes amis.
Je rêvais de bonheur un soir ; non sans souffrance,
Comme on rêve de vous à qui l’on ne croit plus,
Enchanteurs tout-puissants des contes de l’enfance,
Que l’on n’a jamais vus !
C’était à l’heure exquise où la nuit, en ses voiles,
Des mortels affligés vient endormir les pleurs,
Où les anges gardiens errent sous les étoiles,
Cherchant les âmes sœurs.
Un indicible émoi dans mon cœur se fît place,
Tout mon être, en l’azur, sembla nager soudain :
Vos deux anges venaient, dans les champs de l’espace,
De se donner la main.
Un bruit aérien, comme un frôlement d’ailes,
Puis je les vis passer. Ils se parlaient de vous
Et se disaient tout bas que vos âmes sont belles
À les rendre jaloux ;
Que vous êtes du ciel les délices bien chères,
Gloire de vos parents, charme de vos amis ;
Qu’à vos douces vertus, les jours les plus prospères
Justement sont promis.
Et je les arrêtai... je vis à leur sourire
Qu’ils devinaient pourquoi. Pour les charger de vœux,
Je leur parlai longtemps... Ce que j’ai pu leur dire,
Nul ne le saura qu’eux.
Mais, si de votre front, Dieu chasse les alarmes,
Si du destin, pour vous, toujours douce est la loi,
Songez, quand vous aurez de bienheureuses larmes,
Qu’ils ont plané sur moi.
Et maintenant j’entonne un sublime cantique,
Que j’avais désappris pour des chants de douleur ;
Je crois aux jours heureux, je ne suis plus sceptique,
Car j’ai votre bonheur !
Suzanne CASTAGNIER.
Paru dans L’Année des poètes en 1895.