Un rêve
Une faible lueur, une forme indécise,
Un pâle feu follet, me remplissait d’effroi,
Ce fantasque reflet dansant dans l’ombre grise,
Qui me troublait si fort, c’était mon âme à moi.
Mon pauvre corps tremblait d’une frayeur cruelle,
Mon âme me quittait.... que devenir ainsi !
Était-ce donc la mort ? – Rassure-toi, dit-elle.
D’autres à l’abandon laissent leur âme aussi.
Le gaz est leur soleil, l’or, l’intrigue, le monde,
Leur royaume : et pourtant ils se disent heureux,
Et ne connaissent pas la tristesse profonde
Que j’inspire parfois, même aux cœurs généreux ;
Ils marchent mieux sans moi ; l’ambition les pousse,
Aux viles passions livrant un corps brutal,
Ils suivent leurs penchants ; une âme triste et douce
Ne les avertit plus s’ils font bien, s’ils font mal ;
Vraiment c’est un beau sort ! – Où donc à l’aventure
Mon âme t’en vas-tu courir hors de chez moi ?
Oh ! ne divorçons pas, reviens, je t’en conjure,
Reviens, je souffrirai s’il le faut avec toi !
– Non, reste quelque temps à l’épreuve soumise. –
Mon appel suppliant fut en vain répété ;
Mon âme répondit à ma grande surprise
Ce cri séditieux : – Vive la liberté !
J’ouvris les yeux au jour qui frappait ma paupière,
Car le soleil brillait d’un éclat radieux,
Près du lit de mon fils je courus la première,
J’admirai son sommeil paisible et gracieux,
Je dis en l’embrassant : ô mon Dieu ! notre père,
Bénissez mon enfant et le sort qu’il aura.....
Grâce à toi, cher petit, je crois, j’aime et j’espère,
Je puis me rassurer, mon âme est encor là !
Mme Rose CASTIN.
Paru dans La Tribune lyrique populaire en 1861.