Triptyque à Notre Dame
- I -
Femme à la tresse et à la perle et au miroir,
Orgueil de la maison mais sans parure vaine ;
Femme à la chaise et à la cruche et à la laine,
Silencieuse au puits, aux champs et au lavoir,
Nous, chercheurs de beauté sur les routes lassantes,
Nous levons le regard vers ton candide front.
Ta virile pudeur est un riche fleuron,
Et tes mains sans péché s’ouvrent toutes puissantes.
Seule te trouva digne du royal anneau
L’Amour qui fait surgir les amours de la terre.
Ô toi, Femme qui sus toucher le Solitaire,
De tes yeux recueillis plus transparents que l’eau,
Quand l’homme sent le poids honteux de sa faiblesse
Et mène avidement son désir inquiet,
Que ton visage lui propose le reflet
Du Dieu beau qui se plut aux fleurs de ta jeunesse !
- II -
Mère qui sais le sein, le lange et le berceau,
Et la plainte et le cri dans la nuit désolée,
Mais aussi la douceur de suivre en une allée,
Les premiers pas audacieux du jouvenceau ;
Mère qui sais l’attente et l’espoir ou l’angoisse,
Les yeux rougis le soir et calmes le matin,
Les deuils et les bonheurs qui tissent un destin
Et que la cloche annonce au plus haut des paroisses ;
Mère qui ne sais pas le don le plus coûteux,
Le vulgaire désir, la trahison, la honte,
L’indélicat époux qu’avec crainte on affronte
Et le prodigue enfant qui fuit l’appel des yeux ;
Mère, quand tout pour nous est tristesse et détresse,
Et que nous redoutons les chemins d’ici-bas,
Éclaire notre exil amer, loin de tes bras,
Et laisse-nous goûter ta sereine allégresse.
- III -
Grande Reine à la rose, au sceptre, à la couronne,
Qui règnes sur les cieux, sur la terre et les eaux,
Soleil de notre vie et des destins nouveaux,
Notre espoir est inscrit dans le feu de ton trône.
Ô Toi qui fus choisie et qui choisis d’un mot,
Ô Toi qui sais l’amour brûlant au cœur du Père,
Épouse de l’Esprit à qui ton nom sut plaire,
T’obéir, à tes pieds, nous gagne le repos.
Conseil de la Sagesse aux demeures divines,
Palais de la Lumière, ô Toi qui l’enfantas
Et qui, de jour en jour, sur nos Nuits méditas,
Puissé-je atteindre au sort que ton vœu me destine !
Grande Reine sur l’or, sur la neige et la fleur,
Maîtresse en ton royaume et riche en héritages,
Rien d’autre je ne veux que ta Grâce sans âge
Et celle de l’Enfant que revêt ton Bonheur.
Louis CHAIGNE, 31 août 1948.
Paru dans la revue Marie en janvier-février 1949.