L’automne
Partout j’entends frémir de sombres harmonies,
Partout des cris plaintifs, partout des bruits confus !
Mystérieux accords, ô larges symphonies,
Votre glas est le deuil des beaux jours disparus.
Tout annonce l’hiver, et déjà monts et plaines
Voient leurs arbres altiers se tordre à tous les vents ;
Des échos convulsés les plaintes surhumaines
Se ruent dans les ravins et les brouillards mouvants.
Pressentant les frimas, la dernière hirondelle
Pour les cieux frangés d’or a fui nos horizons.
Dans l’âtre ranimé pétille l’étincelle
Qui fait pleurer le givre aux vitres des maisons,
J’écoute en frissonnant le bruit d’ailes froissées
De l’oiseau poursuivi par les vents en courroux.
Les grives, des grands bois, par les autans chassées,
Aux sorbiers de corail se donnent rendez-vous.
De l’arbre, en tournoyant, la feuille mordorée,
Tombe et ride le sol de pourpre et de rubis,
Et la bise qui geint, qui hurle en effarée,
Dessèche sous mes pas cet humide tapis.
Froissant la feuille morte, en ma course isolée,
Je songe aux jours heureux, aux jours sans lendemain !
Je songe au ciel..., à toi... Je songe au mausolée
Qui se dresse, là-bas, sur mon triste chemin.
Et, le soir, devant l’âtre, où la voix monotone
Du grillon familier me berce mollement,
Mon âme, en s’unissant à l’idéal, rayonne.
Puis, dans le souvenir, s’épuise lentement.
Chante, chante, grillon ! Moi, j’écoute, je pleure ;
Et vous, en délirant, vents furieux, passez !
– Malgré vous, la nature et notre âme, à toute heure,
Gardent l’espoir, l’espoir suprême, – et c’est assez.
Adèle CHALENDARD.
Paru dans L’Année des poètes en 1890.