Aux Apostoliques 1
1.
Év. Matth., c. 24.
Oui, l’injustice prend le dessus,
Misère, révolte, haine, trahison menacent.
Les faux chrétiens veulent se donner les allures
De gens qui luttent contre l’injustice, et non contre le droit.
Mais bientôt, après les troubles de ce temps,
À toutes les races de cette terre
Le signe du Fils de l’homme se révélera
Avec une force puissante, une majesté suprême.
Que le figuier vous instruise ! À ses branches
Vous reconnaissez le début de l’été,
Quand la sève monte, que les feuilles déjà paraissent.
Où avez-vous donc l’esprit, stupides fous que vous êtes ?
Vous voyez la sève monter dans toutes les branches
Et persistez à nier l’été qui vient !
2.
Év. Matth., c. 15-23.
Si le soleil se couche dans la splendeur d’un ciel clair,
Vous dites : demain le temps sera beau ;
Si le matin se drape de nuées brûlantes,
Vous décrétez : l’orage n’est pas loin.
Ne pouvez-vous donc pour les signes de cette époque
Trouver l’interprétation, comme vous faites pour le ciel ?
Hypocrites, Pharisiens, engeance de vipères,
C’est bien pour vous que prophétisait Isaïe :
« Le Seigneur dit : Puisque j’ai appris
Que quand ils me confessent avec la bouche,
Ils sont, par le cœur, loin de moi,
Je veux en user d’étrange façon avec ce peuple,
De sorte que la sagesse de ses sages soit réduite à néant,
Que les yeux des soi-disant clairvoyants n’y voient plus. »
Adalbert de CHAMISSO, Choix de poésies,
traduction et introduction de René Riegel,
Aubier, 1950.
1 Chamisso veut sans doute désigner ainsi les hauts dignitaires de l’Église, successeurs des Apôtres ; d’une façon générale il s’adresse à tous ceux qui, en prétendant restaurer l’Ancien Régime, rendent la Révolution inévitable. (Ces sonnets datent de 1821 et 1822.)